Extraits :
“Tour Triangle”, “tour Pyramide”, “tour Delanoë”… après un lancement repoussé à plusieurs reprises, le chantier de ce gratte-ciel de 180 mètres de hauteur aux franges du 15ème arrondissement de Paris doit démarrer cette année. L’affaire a déchiré élus et riverains pendant douze ans et semble anachronique aujourd’hui alors que la crise sanitaire n’est pas résolue.
« Dernier rebondissement en date : selon un rapport de la chambre régionale de la Cour des comptes d’Ile-de-France publié fin juillet, la Ville de Paris aurait versé près de 263 millions d’euros de “dédommagements” contestables à Unibail-Rodamco et sa filiale Viparis, concessionnaire du parc des expositions et de la Tour Triangle. La cheffe du groupe d’opposition “Changer Paris”, Rachida Dati, et Danielle Simonnet, cheffe de file insoumise, ont toutes les deux annoncé qu’elles saisiraient le procureur de la République de Paris et le parquet national financier pour enquêter sur cette transaction. »
“La Ville nous a menti à tous les niveaux”, soupire Philippe Goujon, maire du 15ème arrondissement (LR), présent dès la genèse du projet.
« Le projet pâtit d’un certain anachronisme, souligne par exemple Aminata Niakate (EELV), conseillère de Paris pour le 15ème arrondissement. La région parisienne souffre d’une surconcentration de bureaux à l’Ouest, dont l’immense majorité est vide. L’Observatoire régional de l’immobilier identifie plus de 900.000 mètres carrés de bureaux vacants. “On n’a pas besoin de bureaux en plus dans le 15ème”, tranche Aminata Niakate. “Il nous faut surtout plus de logements pour les classes moyennes”, corrobore Philippe Goujon. D’autant que les nouvelles habitudes de télétravail prises pendant le confinement fragilisent le modèle du travail au bureau. Selon une étude de Natixis, d’ici fin 2021, 1,3 millions de mètres carré de bureaux pourraient se trouver vacants en raison de la crise économique. A horizon 2030, 20% de la surface totale des bureaux seraient inoccupée en raison du télétravail. »
Car au Conseil de Paris, seuls le parti de la maire soutient encore le projet. Il reste un sujet de discorde avec les écolos, opposants naturels à la densification de la capitale. “La Ville a résilié de manière anticipée le contrat de délégation du Parc des expositions qui la liait à Unibail, afin de signer un nouveau contrat intégrant la présence de la future Tour Triangle” dénonçait l’élue Insoumise Danielle Simonnet au Conseil de Paris fin juillet. Or, c’est pour dédommager Unibail de la création de la Tour, qui sera elle aussi gérée par Unibail, que la Ville a versé la somme de 263 millions d’euros. Une collusion qui, pour Rachida Dati, leader de l’opposition, “pourrait être qualifié de détournement de fonds publics”.
Surenchère : le Canard Enchaîné a dévoilé, mercredi 5 août, que les services de la Ville s’étaient opposés au montage juridique derrière le projet dans une note remontant à 2010, qui appelait nécessairement à « compenser » Unibail lorsque le bail serait résilié avant son terme. Malgré leurs alarmes, Bertrand Delanoë décide quand même de résilier la concession. Après de fortes pressions exercées par le promoteur, le montant de 263 millions d’euros de dédomagement est fixé. Mais en échange, le nouveau entrant pour la nouvelle concession (à nouveau, Unibail Rodamco, après un appel d’offres inégal), doit un ticket d’entrée de 263 millions. Un jeu de va-et-vient de liquidités, en somme. Seulement, pour aménager la Tour Triangle, arrivée comme par magie dans la nouvelle concession, Unibail demande… une trentaine de millions d’euros, que la Ville finira par payer.
https://www.challenges.fr/immobilier/tour-triangle-a-paris-retour-sur-12-ans-de-polemiques_721925